SLAVES (archéologie et art)

SLAVES (archéologie et art)
SLAVES (archéologie et art)

Les Slaves, peuple sédentaire d’Europe orientale et centrale, sont connus à partir du Ier siècle après J.-C. L’attribution de cultures ou civilisations archéologiques aux tribus slaves avant le Ve siècle fait aujourd’hui encore l’objet de controverses. Mais l’apport des textes et les liens unissant les cultures successives permettent de reconstituer les différentes étapes d’un développement continu dès le Ier siècle. Partant des cultures slaves de l’époque romaine, somme toute très archaïques, et qui occupent un territoire relativement restreint, on observera les transformations intervenues à travers les siècles. Cellesci, d’abord très lentes, iront en s’accélérant avec la conquête de nouvelles régions et l’expansion territoriale colossale des Slaves. Le Xe siècle marque la limite chronologique supérieure de cet article car, à partir de cette date, les Slaves perdent leur unité culturelle. Du point de vue de l’archéologie et de l’art, ils ne peuvent plus être étudiés comme une entité.

Les Slaves de l’époque romaine (Ier-Ve s.)

On a souvent surestimé les possibilités de l’archéologie pour localiser les Slaves les plus anciens. La confrontation avec d’autres sources, en particulier avec les textes, s’avère en effet indispensable pour y parvenir. Les premières cultures archéologiques que l’on peut attribuer aux Slaves sont donc contemporaines des premières mentions de ce peuple chez les auteurs anciens. Nous pensons tout d’abord à Tacite, qui les signale durant la seconde moitié du Ier siècle après J.-C. sous le nom de Vénèdes en Europe orientale: à l’est du bassin de la Vistule, entre les Finnois des forêts et les Thraces du Danube inférieur. Au IIe siècle après J.-C., Ptolémée confirme le témoignage de Tacite puisqu’il cite dans la même zone, entre les Germains et les Baltes de la Vistule d’une part et les Alains, nomades des steppes méridionales d’autre part, les Stavani, un peuple que l’étymologie de leur nom permet aisément d’identifier avec des Slaves. D. A. Ma face="EU Caron" カinskij, qui a consacré des recherches à la géographie ethnique de l’Europe orientale à l’époque antique, estime que les «Vénèdes-Stavani» des Ier-IIe siècles vivaient au sud de la zone forestière et dans la région limitrophe de la steppe forestière. Partant de cette interprétation très pertinente des textes de Tacite et de Ptolémée, on peut, dans un second temps, considérer comme Slaves deux cultures archéologiques datées des Ier-IIe siècles et retrouvées dans ces régions: la culture post-Zarubincy (ou Zarubincy récente) et celle, moins vaste, qui est dite groupe de Volhynie-Podolie. L’évidente filiation des cultures slaves qui leur succèdent sur le même territoire corrobore cette attribution.

La culture post-Zarubincy (Ier-IIe s.)

Elle résulte de l’évolution de la culture de Zarubincy, à l’appartenance ethnique incertaine et qui, à l’époque de la Tène, s’étend dans la région du Dniepr moyen. Au Ier siècle après J.-C., la population de cette culture subit l’invasion des nomades des steppes et c’est alors qu’apparaît la phase post-Zarubincy, attestée jusqu’au IIe siècle. Cette dernière occupe une vaste zone au sud de la Biélorussie et au nord de l’Ukraine. On y décèle, outre les influences de la culture de Zarubincy, des influences de la culture de Przeworsk située dans le bassin de la Vistule et de la culture de la «céramique peignée» découverte en Biélorussie. Cependant, à l’heure actuelle, il est impossible de déterminer quelle fut parmi ces cultures celle qui a conféré aux sites du type post-Zarubincy leur caractère slave. La «préhistoire» des Slaves demeure donc encore un domaine inconnu. Les nécropoles post-Zarubincy, de petites dimensions, n’ont livré que des incinérations avec peu de mobilier. Leurs traces archéologiques sont donc difficilement perceptibles, ce qui explique sans doute que l’on n’en ait retrouvé qu’un petit nombre. Mentionnons par exemple celles de Rahny et Hryniewicze-Wielkie. En revanche, on connaît mieux les habitats non fortifiés et installés à proximité de cours d’eau (Po face="EU Caron" カep, Ljute face="EU Caron" ゼ, Vovki, Grini et Osipovka). On y a découvert les restes de bâtiments à sol excavé avec des murs en bois parfois enduits d’argile. Ils contiennent des foyers en pierre ou en argile, ainsi que des silos pour la conservation des aliments. La céramique, exclusivement façonnée à la main, constitue de loin le matériel le plus abondant (Pl. III, 7-9). Les formes de récipients sont caractéristiques de la culture post-Zarubincy et montrent des similitudes avec celles de la céramique des cultures slaves plus récentes. Soulignons à ce propos que c’est essentiellement grâce aux formes de céramique façonnée à la main que l’on reconnaît les différentes cultures archéologiques slaves, au moins jusqu’au Xe siècle. Cette céramique confectionnée par chaque foyer pour son propre usage ne faisait pas l’objet d’exportation, et constitue donc un indice ethnographique précieux. Parmi les outils retrouvés sur les sites du type post-Zarubincy, signalons des faux et des faucilles qui témoignent de l’existence d’une agriculture, probablement sur brûlis (Pl. III, 1, 2). La population de ces habitats se livrait également à l’élevage et à la chasse comme l’attestent les ossements d’animaux mis au jour en grand nombre. Les armes sont représentées par des flèches et des javelots (Pl. III, 3). La découverte d’éperons indique que les Slaves de la culture post-Zarubincy possédaient une cavalerie. La plupart des éléments du costume comme les fibules, dont certaines ont des prototypes romains et d’autres sont originaires de la région de la Baltique, ont sans doute été exécutés sur place (Pl. III, 4-6). Les relations commerciales paraissent très restreintes, en particulier si l’on observe l’infime quantité d’importations romaines (amphores, céramique sigillée ou perles). Dernière trouvaille qui mérite d’être mentionnée sur les sites de cette culture: celle d’un centre de production de fer à Ljute face="EU Caron" ゼ.

Le groupe de Volhynie-Podolie (Ier-IIe s.)

Cette seconde culture slave contemporaine de la culture post-Zarubincy se localise dans le bassin du haut Dniestr et dans la partie occidentale du bassin du Pripet. Le groupe de Volhynie-Podolie, formé à partir de la fusion des cultures de Zarubincy, de Przeworsk et de la culture thrace de Lipica, possède à peu près les mêmes caractères que la culture post-Zarubincy. Les habitats (Pasiki-Zubreckie, Podberezcy, Sokol’niki, Davydov) y sont identiques. Les objets mobiliers ne diffèrent pas non plus, à l’exception de quelques formes de céramique façonnée à la main et d’un petit nombre de récipients en céramique tournée.

La seconde moitié du IIe siècle et la première moitié du IIIe siècle marquent un tournant dans l’histoire de l’Europe orientale. Il s’agit en effet d’une période de troubles engendrés par la progression, depuis la mer Baltique vers le sud, des Goths et de leurs alliés germaniques. La carte ethnique et culturelle de cette zone se trouve alors bouleversée. On assiste notamment au IIIe siècle à la formation d’une nouvelle culture archéologique, celle de face="EU Caron" アernjahov, qui relève d’une fédération de peuples placée sous la domination des Goths et qui occupe un vaste territoire au nord de la mer Noire et dans la région du Danube inférieur. La carte de répartition des tribus slaves évolue également à cette époque. Au groupe de Volhynie-Podolie succède celui, moins étendu, du haut Dniestr. Quant à la culture post-Zarubincy, elle cède la place à celle qui est dite de Kiev, dont la plupart des sites ont été trouvés dans la zone forestière au nord de la culture de face="EU Caron" アernjahov.

La culture de Kiev (IIIe-Ve s.)

L’attribution aux Slaves de la culture de Kiev, datée du IIIe siècle au début du Ve, se justifie par sa ressemblance d’une part avec la culture plus ancienne du post-Zarubincy et d’autre part avec les cultures slaves plus récentes de Kolo face="EU Caron" カin et de Pen’kovka découvertes dans la même zone et que nous évoquerons plus bas. De même que pour la culture post-Zarubincy, les nécropoles du type Kiev sont rares et n’ont livré que des incinérations en pleine terre avec un mobilier restreint (Kazarovi face="EU Caron" カi et Kireevka). Les pots façonnés à la main, carénés ou ovoïdes avec

une large ouverture (Pl. III, 17-19), permettent d’identifier les habitats du type Kiev (Obuhov, Lavrikov Les, Ul’janovka, Roiš face="EU Caron" カe, Abidnja, Tajmanovo, etc.). Les principaux aspects de la vie économique des Slaves demeurent alors inchangés par rapport à l’époque antérieure. Signalons cependant la première preuve incontestable de l’apparition du labourage: la découverte d’un soc d’araire, à Ul’janovka. L’activité artisanale reste limitée à la production d’objets en métal et plus rarement en os. L’assortiment d’armes retrouvées est identique à celui de la culture post-Zarubincy. Certains éléments du costume témoignent des contacts qu’entretient la population de la culture de Kiev avec celles des cultures voisines. Ainsi, les bijoux en émail dit barbare proviennent des Baltes qui vivent alors plus au nord (Pl. III, 10). Certains types d’objets portant ce décor constituent des imitations locales et peuvent être considérés comme l’une des premières manifestations des arts mineurs slaves (Pl. III, 11, 13). D’autres importations, les fibules en arbalète (Pl. III, 12) ou les peignes en os, attestent l’influence méridionale de la culture gothique de face="EU Caron" アernjahov. Les quelques objets d’origine romaine découverts sur les sites du type Kiev (amphores, récipients en métal ou perles) témoignent sans doute de relations commerciales avec la culture de face="EU Caron" アernjahov.

Le groupe du haut Dniestr (IIIe-Ve s.)

Le territoire de l’autre groupe de Slaves des IIIe-Ve siècles est en fait inclus à l’intérieur de la culture de face="EU Caron" アernjahov. Cependant, la prédominance de traits slaves nous conduit à en faire un groupe original. Ainsi, on a retrouvé sur les habitats non fortifiés de cette région (Bovšiv II, face="EU Caron" アerepin, Dem’janov, Rakobuty, Teremcy) essentiellement des bâtiments à sol excavé alors qu’ils sont rares ailleurs sur les sites de la culture de face="EU Caron" アernjahov. De même, fait inhabituel pour cette culture, la céramique façonnée à la main domine dans la région du haut Dniestr (Pl. III, 26, 27). Elle rappelle beaucoup celle de la culture de Kiev et plus encore la céramique slave de l’époque postérieure dans cette région.

Outre les caractéristiques des cultures slaves de l’époque romaine que nous venons de mentionner, soulignons qu’aucune d’entre elles ne fournit de preuve d’une hiérarchisation de la société. Ainsi sur les habitats les bâtiments et sur les nécropoles les tombes n’apportent pas de témoignage sur une quelconque stratification de la société. L’archaïsme de ces cultures s’explique sans doute par leur localisation, loin des frontières de l’Empire romain. Mais cette position septentrionale va les mettre à l’abri de l’invasion hunnique qui, à partir de 375, bouleverse la carte ethnique et politique du sud de l’Europe orientale.

Les Slaves de l’époque des Grandes Migrations (Ve-VIIe s.)

L’époque des Grandes Migrations qui, en Europe orientale, s’achève vers la fin du VIIe siècle, au moment de la formation des premiers États médiévaux, se révèle décisive pour l’histoire des Slaves. En effet, profitant de l’anéantissement de la fédération gothique sous les coups des Huns, puis de la disparition au milieu du Ve siècle de l’«empire» d’Attila, ils s’emparent d’un énorme territoire. Cette expansion appelée par K. Godlowski la «grande migration slave» comprend vers l’ouest les terres jadis germaniques jusqu’à l’Elbe. Vers le sud, elle culmine au VIe siècle et pendant la première moitié du VIIe siècle avec l’occupation progressive des provinces balkaniques de l’empire. Ainsi, un peuple, dont le rôle fut insignifiant à l’époque romaine, devient à l’époque des Grandes Migrations l’une des ethnies les plus importantes d’Europe. Du Ve au VIIe siècle, les Slaves sont représentés par trois cultures archéologiques que nous examinerons successivement: Prague-Kor face="EU Caron" カak, Pen’kovka et Kolo face="EU Caron" カin.

La culture de Prague-Kor face="EU Caron" size=4カak (Ve-VIIe s.)

Cette culture, sans doute issue du groupe du haut Dniestr, s’étend à l’ouest de l’Ukraine, en Slovaquie, dans la République tchèque, en Pologne méridionale et centrale ainsi qu’en Allemagne jusqu’à l’Elbe. Ses sites sont également attestés en Autriche, en ex-Yougoslavie et en Roumanie. D’après sa localisation, elle correspond aux Sklavènes des sources écrites, mentionnés par des auteurs byzantins comme Jordanès, Procope et Ménandre. Les nécropoles de la culture de Prague-Kor face="EU Caron" カak (P face="EU Caron" シitluky, Merschwitz, Dessau-Mosigkau) ont livré des incinérations en pleine terre ou dans des urnes. Remarquons à ce propos que les analyses ostéologiques ont mis en évidence la présence d’incinérations doubles contenant des ossements masculins et féminins, ce qui laisse supposer l’existence de sacrifices funéraires. Les habitats des Sklavènes, généralement non fortifiés, sont toujours installés dans les vallées près des cours d’eau (Kodyn, Kor face="EU Caron" カak, Dessau-Mosigkau, Raškov, B face="EU Caron" シezno, Nowa-Huta-Mogila et Suceava-Sipot; Pl. I, 1). Signalons la découverte de quelques agglomérations fortifiées comme Zimno ou Hotomel’ qui ne contenaient aucun bâtiment et devaient donc servir uniquement de refuge en cas de danger. Les pots façonnés à la main, élancés et ovoïdes, sont caractéristiques des sites du type Prague-Kor face="EU Caron" カak (Pl. IV, 9). On note sur les habitats de nombreuses traces du développement de la métallurgie (scories, moules et creusets). Parmi le mobilier métallique, mentionnons des outils agricoles (socs d’araire, faux et faucilles dont certains sont de types nouveaux), des armes (lances, javelots, flèches et haches), ainsi que des éléments de harnachement (Pl. IV, 1, 2, 6-8). Certains objets comme les armes d’origine franque (l’imitation d’angon trouvé à Dessau-Mosigkau, Pl. IV, 1, et le scramasaxe de Görke) montrent les relations qu’entretiennent les Sklavènes avec d’autres peuples. Les objets de toilette et les parures trouvés sur les sites du type Prague-Kor face="EU Caron" カak relèvent pour la plupart d’une mode commune à de nombreuses cultures barbares européennes. Nous pensons par exemple aux bracelets aux extrémités évasées (Pl. IV, 5), aux peignes en os bilatéraux ou encore aux ceinturons «militaires» à multiples lanières décorés d’appliques métalliques. Cependant, certains

bijoux du VIIe siècle, comme les petites fibules digitées «danubiennes», sont spécifiques des Sklavènes (Pl. IV, 4). Ce peuple a joué un rôle prépondérant dans la conquête des Balkans. En témoignent notamment les liens qui unissent les sites slaves des VIe-VIIe siècles que l’on y a mis au jour (l’habitat de Musi face="EU Caron" カi en Bosnie ou la nécropole d’Olympie en Grèce) à la culture de Prague-Kor face="EU Caron" カak.

La culture de Pen’kovka (Ve-VIIe s.)

Cette seconde culture slave dérive de la culture de Kiev. Elle s’étend dans la zone forestière en Ukraine et en Moldavie, ce qui permet de l’attribuer aux tribus des Antes connues notamment de Jordanès. Les sites de cette culture, habitats non fortifiés (Pen’kovka-Molo face="EU Caron" カarnja, Hitzy, Semenki, Hanska), fortifiés (comme Selište), nécropoles et tombes isolées (Andrusovka, Surskoj, Voronaja et Samara) sont très proches de ceux du type Prague-Kor face="EU Caron" カak. Les outils agricoles et les armes qu’on y a découverts témoignent du niveau de développement identique de ces cultures (Pl. IV, 11, 17, 18). Les différences entre les Antes et les Sklavènes se manifestent dans la céramique façonnée à la main et dans certains objets de parure. Ainsi sur les sites de la culture de Pen’kovka dominent les pots trapus, biconiques ou ovoïdes (Pl. IV, 20, 21). De même les fibules anthropomorphes ou zoomorphes, dites des Antes (Pl. IV, 13), ainsi que certains types de ceinturons à lanières possédant des appliques métalliques à décor ajouré ou gravé leur sont propres. Autre caractéristique de cette culture: la présence pendant sa phase finale, au VIIe siècle, de traits issus de ses voisins nomades des steppes (Pl. IV, 14). La culture de Pen’kovka disparaît sous la poussée de ces nomades à la fin du VIIe siècle et au début du VIIIe siècle, et sa population ira s’installer plus au nord. L’enfouissement de trésors sur les sites des Antes (à Martynovka, Vil’hov face="EU Caron" カik, Hacki et Koz’evka) correspond à cette époque troublée.

La culture de Kolo face="EU Caron" size=4カin (Ve-VIIe s.)

Cette troisième culture slave est également issue de celle de Kiev. Sa localisation dans le bassin du haut Dniepr ne permet de l’attribuer à aucun peuple signalé par les auteurs anciens. Néanmoins, la similitude des sites de cette culture avec ceux du type Prague-Kor face="EU Caron" カak ou Pen’kovka ne laisse aucun doute sur le fait qu’elle soit slave. On a retrouvé des habitats non fortifiés (Smol’jan’, Kartamyševo, Kurgan-Azak), fortifiés (Kolo face="EU Caron" カin, Bol’šie Budki) ainsi que des nécropoles (Kartamyševo, Lebja face="EU Caron" ゼ’e, Knja face="EU Caron" ゼij, Novyj Byhov; Pl. II, 1). Les pots façonnés à la main, élancés, cylindroconiques et tulipiformes, constituent une particularité ethnographique des sites du type Kolo face="EU Caron" カin (Pl. IV, 30, 31). Les autres aspects de la culture matérielle sont très proches de ceux des cultures de Prague-Kor face="EU Caron" カak et de Pen’kovka.

La fin de l’époque des Grandes Migrations en Europe orientale marque une nouvelle étape dans l’évolution des trois cultures slaves que nous venons d’examiner. Les progrès que l’on y observe alors doivent beaucoup à l’expansion des Slaves vers le sud ainsi qu’à leur contact direct avec la zone danubienne et balkanique imprégnée de culture romaine et byzantine. Ils y empruntent de nouveaux outils qui transforment leurs techniques agricoles et de nouveaux types d’armes. Comme le montrent certains bijoux slaves (Pl. IV, 15), ils subissent également l’influence artistique de ces régions. De plus, les guerres balkaniques ont sans doute contribué à la hiérarchisation de la société slave, en particulier à la création d’une classe de chefs militaires (knjaz ) et de troupes de guerriers professionnels (drougine ). Certains sites fortifiés comme Zimno en Volhynie, qui ont livré de nombreuses armes et des ceinturons militaires (Pl. IV, 3), attestent ces concentrations de guerriers.

À partir de la seconde moitié du VIIe siècle, des groupes de Slaves danubiens commencent à émigrer vers la zone forestière de l’Europe centrale où ils s’intalleront à l’époque postérieure. Ils rencontrent dans ces régions, outre les porteurs de la culture de Kolo face="EU Caron" カin, des tribus baltes ou balto-slaves qui ont laissé les cultures archéologiques des Longs Kourganes, de Moš face="EU Caron" カino et de Tušemlja qui seront, sous leur influence, slavisées.

Les Slaves du haut Moyen Âge (VIIIe-Xe s.)

Du VIIIe au Xe siècle, les Slaves sont maîtres d’un territoire plus vaste encore qu’à l’époque des Grandes Migrations, qui s’étend du Péloponnèse au sud jusqu’au lac Ladoga au nord et de l’Elbe à l’ouest jusqu’au Don à l’est. Ils sont représentés alors par trois grands groupes, les Slaves méridionaux, occidentaux et orientaux, chez lesquels on distingue de nombreuses cultures archéologiques. Mentionnons par exemple celles de Luka Rajkoveckaja, Hlin face="EU Caron" カa, Tornow, Romny-Borševo ou Feldberg que l’on reconnaît habituellement grâce aux caractéristiques de leur céramique, façonnée à la main ou tournée. Pour le reste, les tribus slaves montrent une grande homogénéité culturelle et linguistique, ce qui nous conduit à les présenter comme un tout. Dans un second temps, nous évoquerons pour la même période le processus de formation des premiers États slaves.

Les sites archéologiques laissés par les Slaves de cette époque évoluent alors notablement. Les habitats non fortifiés cèdent progressivement la place aux habitats fortifiés (grad ) et deviennent parfois, nous allons le voir, de véritables villes (Pl. I, 2, 3). Les nécropoles du type «champ de sépultures», qui n’ont laissé aucune trace à la surface du sol, sont petit à petit remplacées par des nécropoles avec des kourganes. Les incinérations quant à elles disparaissent au profit des inhumations.

On assiste entre le VIIIe et le Xe siècle à de profonds changements dans tous les domaines de la culture slave, qui s’expliquent sans doute par l’essor économique que connaît alors l’Europe du Nord. Selon J. Herrmann, cet essor devrait beaucoup à la généralisation de la culture du seigle bien adapté à ces régions et qui a considérablement accru les ressources alimentaires de la population. Aurait également contribué à la croissance économique l’augmentation de la production du fer, en particulier en Scandinavie. On en trouve un reflet dans la multiplication des outils agricoles métalliques sur les sites slaves (Pl. V, 3, 4, 7, 8, 25, 26). De même, l’équipement des guerriers slaves se perfectionne et se diversifie. Ainsi, après avoir commencé par importer au IXe siècle des épées de type «carolingien», dès le Xe siècle les Slaves en produisent des imitations, comme l’attestent des marques de forgerons trouvées sur certains exemplaires (Pl. V, 18, 19). Les armes défensives se diffusent simultanément. Mentionnons la découverte de casques (à Hradsko-Kanina chez les Slaves occidentaux), d’armures (à Hotomel’ et Pinsk, chez les Slaves orientaux), et de cottes de mailles (à Volyncevo et Zapadnaja chez les Slaves orientaux). Pour la première fois apparaissent alors certaines armes caractéristiques des Slaves, comme les haches de type «morave» (Pl. V, 16) ou les éperons polonais à double crochet intérieur (Pl. V, 14). Autres facettes du développement de l’activité artisanale des Slaves entre le VIIIe et le Xe siècle: la multiplication des objets de parure qui leur sont propres (les boucles d’oreilles en forme d’étoile) ou encore la généralisation de l’emploi de la céramique tournée (Pl. V, 9, 10, 12, 13, 28).

D’autre part, entre le VIIIe et le Xe siècle, le commerce international s’intensifie considérablement sur les terres slaves et cela en particulier grâce aux routes fluviales qui les traversent et qui mènent de l’Europe du Nord vers l’Orient musulman ou Byzance. L’afflux d’importations orientales, notamment de monnaies arabes, en témoigne. Rappelons à ce propos que le plus important trésor de monnaies arabes du Moyen Âge en Europe a été découvert sur l’île de Rügen, slave à cette époque. L’emploi de nouveaux moyens de transports, comme les bateaux de différentes dimensions dont on a trouvé des exemplaires sur la côte de la mer Baltique (à Ralswiek et à Gdansk), est également lié au développement du commerce (Pl. V, 17).

Les premiers grands centres proto-urbains précurseurs des villes ont souvent été conçus chez les Slaves comme des plaques tournantes commerciales. Parmi les plus anciens de ces centres, datés du VIIIe siècle, citons celui de Ladoga où plusieurs groupes ethniques, balto-slaves, scandinaves et finnois, coexistent. Aux IXe-Xe siècles, le processus d’urbanisation s’accentue et vers l’an mil un réseau assez dense de villes couvre le territoire slave. Mentionnons les villes de Kiev et Novgorod chez les Slaves orientaux, celles de Pliska et Preslav chez les Slaves méridionaux, ainsi que Prague et Cracovie chez les Slaves occidentaux. L’organisation de plus en plus hiérarchisée de la société slave des VIIIe-Xe siècles apparaît très clairement à travers les témoignages de l’archéologie. Ainsi, on a mis au jour des résidences princières fortifiées à Mikul face="EU Caron" カice, Stare Mesto ou B face="EU Caron" シeclav-Pohansko chez les Slaves occidentaux et à Revne chez les Croates des Carpates, Slaves orientaux. D’autre part, on connaît des nécropoles et des sépultures isolées où se faisaient inhumer l’aristocratie militaire et les guerriers aussi bien chez les Slaves orientaux (à Gnezdovo, face="EU Caron" アernigov, Pinsk ou Kiev; Pl. II, 2), chez les Slaves occidentaux (à Mikul face="EU Caron" カice, Blatnica et Kolin) que chez les Slaves méridionaux (à Biscupija).

C’est entre le VIIIe et le Xe siècle qu’apparaissent sur la base d’unions politiques entre tribus les premiers États slaves: la Bulgarie au sud, la Grande Moravie à l’ouest et la Russie à l’est. Soulignons que des peuples non slaves prennent une part active à l’élaboration de ces États. Ainsi la création de la Bulgarie danubienne résulte de l’union des tribus slaves avec la horde turco-bulgare. Le khan Asparukh est, à la fin du VIIe siècle, le fondateur de la première dynastie des tsars bulgares. Quant à la naissance de la Russie, elle est le fruit d’un traité conclu entre des tribus slaves, balto-slaves et finnoises d’une part et des princes scandinaves d’autre part. Mais ces éléments étrangers s’intègrent assez rapidement. À partir du IXe siècle, en Bulgarie, les sites archéologiques slaves et turco-bulgares sont identiques et il est donc impossible de distinguer ces deux groupes ethniques. En Russie, les sources écrites et archéologiques attestent l’assimilation définitive des Scandinaves vers le dernier tiers du Xe siècle. Remarquons à ce propos que les arts mineurs slaves portent entre le VIIIe et le Xe siècle de nombreuses traces d’influences extérieures, notamment scandinaves (Pl. V, 18, 19).

La formation des premiers États slaves est profondément liée à la diffusion du christianisme. À partir de la Bulgarie christianisée la première, les missions, dont la plus célèbre fut celle de Cyrille et Méthode, se dirigent vers les autres pays slaves. À la fin du Xe siècle, le christianisme devient la religion dominante dans la plupart des pays slaves. Les tribus qui vivent au sud de la Baltique constituent à ce titre une exception. Des sites importants comme la ville sanctuaire d’Arkona y attestent la persistance du paganisme à cette époque (Pl. II, 3). Signalons que l’on retrouve en Europe orientale, datant du Xe siècle ou plus tardives encore, des idoles païennes sculptées, en bois ou en pierre, que l’on peut considérer comme l’une des expressions de l’art primitif slave (Pl. II, 5). L’adoption du christianisme, qui coïncide avec la propagation de l’alphabet cyrillique, marque le début d’une ère nouvelle pour les Slaves. Les différents États développent alors leur propre culture. Il convient à partir de l’an mil d’examiner chaque pays slave séparément.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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